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Le Conseil d’Etat publie son étude annuelle sur le dernier kilomètre de l’action publique

Le Conseil d'Etat publie son étude annuelle sur le dernier kilomètre de (...)

L’étude annuelle 2023 du Conseil d’État, intitulée « L’usager du premier au dernier kilomètre de l’action publique : un enjeu d’efficacité et une exigence démocratique », est parue. Parmi les centaines d’interlocuteurs entendus par l’Institution, l’Unccas, représentée par son vice-président Martial Bourquin et sa déléguée générale adjointe Hélène-Sophie Mesnage, avait été auditionnée en mai dernier. Après avoir « chaussé les lunettes des usagers », les conseillers formulent 12 propositions pour combler le fossé grandissant entre ces derniers et l’action publique.

Comme il est rappelé au début de celle-ci : « l’étude ne s’intéresse pas au contenu de telle ou telle action publique, encore moins à sa pertinence ; seulement à la question de savoir si elle atteint les destinataire qu’elle a elle-même déterminés, si oui, grâce à quoi et si non à cause de quoi ». Et le fait est que le compte n’y est pas.

Les constats

Dans une première partie consacrée aux constats, le Conseil d’État dresse d’abord le suivant : « les usagers estiment que l’action publique s’est dégradée ces dernières décennies. Ce constat vient en réalité tant de l’évolution des attentes des usagers, qu’elles soient ou non clairement exprimées, que des profondes transformations que l’administration a connues et qui l’ont trop souvent éloignée des citoyens. La numérisation de l’action publique illustre le caractère ambivalent de certaines évolutions ».

Au-delà du changement de rapport avec l’administration (passage de la notion d’administré à celle de bénéficiaire) et en dépit d’une prise en compte des attentes des usagers depuis les années 80, les conseillers évoquent une évolution des conditions de mise en œuvre du dernier kilomètre de l’action publique ; évolution liée à la fois à des facteurs exogènes (métropolisation, rapport au travail, etc.), à des réformes structurelles telles que la décentralisation, mais aussi à un émiettement des acteurs chargés de mettre en œuvre le dernier kilomètre (exemple des buralistes où l’on peut désormais régler certaines factures). En se modernisant, sous l’effet de sa numérisation et d’un mouvement continu de réformes de l’État, l’administration s’est éloignée de certains usagers. Cette numérisation a été perçue comme un recul dans la relation administration/usager.

Entre autres constats, on notera également les limites de la fonction stratège de l’État instauré il y a une vingtaine d’années et les impacts négatifs de la rationalisation des administrations territoriales à partir de 2010. Si les maires sont fréquemment cités comme autant d’interlocuteurs de proximité, on s’étonnera néanmoins de cette remarque : « dans ce contexte de recomposition des services locaux, trois réseaux continuent toutefois d’incarner, pour beaucoup d’usagers, les maillons du dernier kilomètre de l’action publique sur le territoire : les écoles, les pompiers et la gendarmerie nationale ».

L’inflation normative préjudiciable à l’efficacité, tant pour les agents publics que les usagers, l’organisation en silos, les effets pervers des appels à projets et des logiques de performance introduites par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) sont aussi pointés du doigt.

Face à ces changements, au-delà de l’hôpital public, de l’école et de la justice auxquels les citoyens restent attachés, on notera l’un des quelques endroits où les CCAS sont nommément cités, mais pour en souligner aussi les difficultés : « sur le terrain, les métiers en contact avec le public ne font plus recette : pourtant essentiels à la mise en œuvre du dernier kilomètre, ils connaissent une perte de sens et d’attractivité, qui touche aussi les métiers de l’accompagnement social. L’irritation, voire l’agressivité ou même la violence auxquelles sont parfois exposés les agents d’accueil des mairies, des centres communaux d’action sociale, des CAF, des guichets de préfecture ou des centres d’appels téléphoniques en constituent des facteurs aggravants ».

Plus loin dans l’étude, on notera la mention de l’apport des analyses des besoins sociaux menées par les CCAS ; un point qui a donc été repris à la suite de l’audition des représentants de l’Unccas qui n’avaient pas manqué de souligner d’autres enjeux tels que l’accès aux soins en milieu rural ou l’impact de la dématérialisation sur les plus fragiles.

Face à ces nombreux constats, les conseillers appellent à une prise de conscience qui heureusement a selon eux, déjà commencé.

Les 12 propositions

La seconde partie de l’étude est ainsi consacrée aux 12 propositions faites par les conseillers.

  1. Assurer l’accès de tous les usagers aux politiques et aux services publics (accueil physique, délais…)
  2. Accompagner les publics qui en ont le plus besoin (repérage précoce, accompagnement sur mesure, fin des appels à projets nationaux…)
  3. Délivrer des messages compréhensibles par tous (simplification du langage administratif)
  4. Développer le «  aller vers  », voire le «  aller chez  » (domicile, points-relai, couverture numérique…)
  5. Écouter (parole des usagers, travail de recherche…)
  6. Construire les politiques publiques avec les usagers et les acteurs publics, notamment les collectivités territoriales
  7. Simplifier la vie des usagers (formulaires préremplis, interlocuteur unique, enseignements crise sanitaire…)
  8. Doter les politiques publiques des moyens nécessaires et prendre en compte d’emblée les questions d’intendance (introduire un volet faisabilité aux études d’impact, desserrer le calendrier de production normative, entretenir les réseaux…)
  9. Réussir le dernier kilomètre avec les agents publics et tous les acteurs de l’action publique (formations, attention portée aux métiers d’accueil, « s’appuyer sur le élus locaux, à commencer par les maires »… )
  10. Pratiquer la subsidiarité (faciliter le pouvoir de dérogation des préfets, encourager les expérimentations, contrôles a posteriori…)
  11. Passer d’une «  logique du mistigri  » à une logique de coopération (encourager les guichets uniques, donner plus de marges de manœuvre aux préfets pour négocier les partenariats locaux…)
  12. Mettre le service au cœur du pilotage de l’action publique (favoriser la créativité dans la fonction publique, les lieux hybrides tels que les tiers lieux, limiter les indicateurs d’efficacité de l’action publique, associer les usagers à l’évaluation des politiques publiques…).

Sans grande surprise, cette étude appelle à un regain de « proximité, de pragmatisme et de confiance ». Outre les nombreuses auditions et autres colloques qui auront utilement alimenté les travaux, au moins peut-on espérer que l’ensemble des déplacements sur le terrain, notamment en CCAS, auront permis aux conseillers de prendre toute la mesure d’une réalité qu’il n’était peut-être pas superflu de rappeler.

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