Installer 12 familles Rom de l’Union européenne dans des logements classiques et leur apporter un accompagnement éducatif, social et vers l’emploi spécifique durant 9 mois pour leur permettre d’atteindre un logement de manière autonome. C’est le pari qu’a tenu le CCAS de Grenoble soucieux d’apporter une solution alternative au simple démantèlement des camps.
Contexte
Depuis six années, le CCAS de la Ville de Grenoble essaye de sensibiliser les institutions locales de l’Etat (Préfecture, DDCS, ARS, Rectorat), le conseil général de l’Isère (DIF, PMI) et la métropole sur la nécessité de proposer aux populations Rom de l’UE autre chose que le simple démantèlement des « camps ». Plusieurs réunions interinstitutionnelles se sont tenues pour avancer sur la connaissance de ces populations et les difficultés auxquelles elles étaient confrontées. En cela, le CCAS a reçu le soutien du Secours Catholique, de Médecins du Monde, de l’association Rom Actions et du représentant du collectif des associations de bénévoles.
En 2011, le CCAS a proposé un projet concret à caractère expérimental visant l’insertion par le travail et le logement pour 12 familles Rom de l’UE dans le but de démontrer qu’en installant des familles dans un logement classique, avec un soutien éducatif et social sur les questions de l’aide à l’appropriation du logement et des contraintes qui lui sont liées (hygiène, rapport avec le bailleur, rapport avec le voisinage, etc.) et un soutien sur l’apprentissage du français, la scolarisation des enfants, la prise en compte de la santé, la recherche d’un emploi... ces familles pourraient très vite atteindre l’autonomie nécessaire pour bénéficier d’un logement à leur nom.La condition de réussite du projet étant très en lien avec une attention particulière et bienveillante des services de l’Etat, qui en fonction de l’évolution de la situation de chaque famille, leurs donneraient les autorisations de travail et de séjour au moment opportun. Ce projet a ainsi pu démarrer en avril 2012.
Description / Fonctionnement de l'action
Suite aux discussions avec les responsables politiques et institutionnels de la métropole, cette dernière, par l’intermédiaire de l’établissement public foncier local dont elle a la gestion, a mis à disposition quatre maisons sur trois communes différentes de l’agglomération et a aidé à les aménager spatialement pour qu’il y ait deux appartements distincts dans chaque maison. Une subvention de la Ville de Grenoble a permis de les meubler. Une convention a été passée entre la métropole et Adoma pour que la gestion locative et la sécurisation des lieux soient assurées par leur soin.
L’association Roms Action assure le suivi social de chaque famille et un cadre social du conseil général de l’Isère apporte son soutien technique au travailleur social de Rom Actions. Un cadre de la métropole apporte son soutien à la mise en relation avec les services de l’emploi (PLIE), un cadre de chaque CCAS des communes où sont situées les maisons fait le lien avec les réseaux locaux.Le service insertion du CCAS de Grenoble coordonne le travail et les relations entre tous les intervenants.
Des familles qui étaient déjà connues par les associations ont été approchées pour les sensibiliser au projet et susciter leur désir s’inscrire dans cette démarche. Les familles intéressées ont alors rempli en lien avec Roms Action une demande d’admission qui a permis d’évaluer où en étaient les familles demandeuses par rapport à l’apprentissage du français, à leur formation et expérience professionnelle et résidentielle, à la scolarisation des enfants, à leur état de santé, etc.Les huit premières familles retenues ont pu intégrer les appartements dans les maisons entre le mois d’avril et le mois de juin 2012. Dès le départ, elles bénéficiaient d’un accompagnement pour la gestion de leur quotidien et pour la connaissance de leur environnement. Chaque famille s’est vu attribuer un référent PLIE pour organiser des bilans professionnels et inscrire les parents dans des modules de formation d’apprentissage du français et de recherche d’emploi. Tous les enfants ont été scolarisés au plus près de leur résidence et les plus âgés ont pu intégrer des classes spécialisées.
Un comité de suivi se réunit régulièrement toutes les 3 semaines pour faire le point sur chaque situation de famille et pour envisager les démarches à effectuer.
Bilan
Au bout d’un an de fonctionnement, le CCAS a constaté l’engagement volontariste des populations dans toutes les démarches qui leur ont été proposées.
Les progrès les plus significatifs ont été fait :- dans la gestion maîtrisée de la consommation des fluides : eau, électricité, chauffage, etc.- dans l’apprentissage du français et l’intégration des enfants à l’école,- dans la connaissance de l’emplacement des services administratifs et associatifs dont ils ont besoin,- dans la capacité à s’organiser et à se déplacer dans l’agglomération,- dans l’organisation de leur accès aux soins.
Les difficultés rencontrées :- les plus importantes sont liées à leur accès à la formation professionnelle et à l’emploi. En effet, les évolutions de leur situation juridique ont été moins importantes que celles attendues,- à ce jour, une seule personne a obtenu un emploi qui permet à la famille d’avoir suffisamment de revenus pour s’inscrire dans une recherche de logement,- cette difficulté à obtenir des revenus par le travail entraîne souvent les familles à se chercher un complément de revenu aux allocations familiales.
Moyens
Moyens humains : - accompagnement social global : 1 ETP- accompagnement à la gestion du quotidien : 0,5 ETP- coordination des acteurs et pilotage opérationnel de l’action : 0,5 ETP- présence des bénévoles des associations partenaires.
Moyens financiers :- investissement dans les maisons : 40 000 euros dont 25 000 euros financés par la métropole et 15 000 euros par le CCAS et la Ville de Grenoble.- budget pour 9 mois d’expérimentation : 95 000 euros- recette de fonctionnement : 50 000 euros (la métropole), 20 000 euros (Fondation Abbé Pierre), 10 000 euros (CCAS et ville de Grenoble), 15 000 euros (conseil général Isère)
Les partenaires
Partenaires opérationnels
Communauté d’agglomération Grenoble Alpes Métropole, conseil général de l’Isère, rectorat de Grenoble, la Direccte, Adoma et les associations Roms Action, Secours Catholique, Médecins du Monde.Un comité de pilotage politique réunit des élus de la Métro, du CG38, du CCAS de la ville de Grenoble, des représentants des services de l’Etat (DIRECCTE, rectorat, CAF) et des présidents des associations partenaires. Des techniciens de ces institutions et associations forment un comité de pilotage technique.
Ils financent l'action
Communauté d’agglomération Grenoble Alpes Métropole, conseil général de l’Isère, Ville de Grenoble, Fondation Abbé Pierre.
Les observations du CCAS/CIAS
Depuis 2014, ces familles sont administrativement et juridiquement dans la même situation que les ressortissants des autres pays européens et peuvent donc accéder plus facilement à l’emploi et aux autorisations de séjour. Au vu des progrès effectués par les familles, les membres du comité de pilotage politique ont confié au CCAS de la Ville de Grenoble la mission de monter un projet de maîtrise d’œuvre urbaine et sociale d’agglomération à destination des publics spécifiques dont les Roms de l’Union européenne, dans le cadre de la circulaire d’août 2012 sur la fermeture des campements illicites et l’habitat précaire et de l’appel à projet de la DIHAL. Cette mission confiée au CCAS est le résultat de l’ensemble des débats qui ont pu être suscités autour de ce dispositif expérimental. L’ensemble des élus de la communauté d’agglomération a pris conscience de la nécessité de gérer en commun la présence de cette population sur l’agglomération. Passer d’un dispositif expérimental à une maîtrise d’œuvre urbaine et sociale, permettra d’engager l’Etat (Préfecture et DDCS ) aux côtés du CCAS et de développer des actions plus importantes en direction de cette population.Depuis, des contacts ont été pris avec les lieux d’origine des ménages en Roumanie, prémisse d’un développement possible d’une coopération avec des villes roumaines.
Photo : Wikimedia Commons / Jörg Sancho Pernas